Il convient tout d’abord de noter que les fonctions scores traduisent la préoccupation des organismes ou institutions qui en sont à l’origine (banques, institutions financières, experts comptables) ; échantillonnage et choix des variables en découlent.
I. Intérêts de la méthode :
La méthode des scores constitue un enrichissement de l’analyse traditionnelle par ratios, qui repose sur l’utilisation empirique d’un certain nombre de ceux-ci. L’intérêt de la méthode réside dans la procédure de sélection pondération de ceux-ci ; c’est l’instrument statistique employé pour le calcul des ratios qui détermine la sélection et induit le système de pondération qui convient à son pouvoir explicatif dont la séparation, fait disparaître l’effet de taille entre les ratios dont les ordres de grandeur sont fondamentaux.
Se trouve dès lors résolu le problème de l’importance relative à accorder à chacun des aspects de la situation financière de l’entreprise (rentabilité, structure financière, gestion courante, croissance de l’activité).
1.Atouts spécifiques à l’outil :
Comparé à la décision traditionnelle, le crédit scoring présente des avantages évidents :
a)La simplicité :
La note de score, qui est obtenue en général à partir de 6 à 12 informations, est calculable en très peu de temps. Cette rapidité de décision présente un double avantage :
·Un avantage interne de charge de travail car la tâche de l’exploitant et le processus administratif de décision sont considérablement accélérés.
·Un avantage commercial car le client obtient une réponse en quelques minutes. C’est un énorme progrès par rapport à certaines demandes de prêts qui constituent un véritable interrogatoire, parfois mal accepté par le client.
b)L’homogénéité :
Avec la décision traditionnelle, un client refusé aujourd’hui par l’exploitant pourrait être accepté demain ; de même un client accepté dans une agence aurait pu être refusé dans une autre. Il est difficile dans un tel contexte de définir une politique de crédit homogène.
Par contre, insensiblement aux humeurs quotidiennes, le crédit scoring donne invariablement la même décision permettant une politique de sélection des homogènes dans le temps et dans l’espace. De plus, le crédit scoring permet de s’affranchir des difficultés causées par l’indisponibilité momentanée ou définitive (turn-over) du personnel spécialiste du risque.
c)La souplesse :
Il est difficile de prendre des mesures de libération ou de restriction dans la distribution des crédits sans disposer de règles claires et de références chiffrées ; en jouant sur les seuils de sélection du score, un établissement peut, en quelques jours, modifier sa politique de sélection des risques tout en mesurant avec exactitude les conséquences en taux de contentieux ou en taux de refus de ces modifications. 2.Atouts spécifiques à l’établissement :
Un établissement peut choisir de mettre en place un crédit scoring pour différentes raisons :
a)La politique de cautionnement :
Le cautionnement, qui est parfois une nécessité face au risque, est un procédé soit coûteux, soit anti-commercial, soit les deux. Le score permet d’accepter sans caution les dossiers sans problèmes et de ne faire intervenir une caution que sur les dossiers tangents, réduisant ainsi considérablement les avantages du cautionnement.
a.la délégation des décisions :
Pour la plupart des dossiers, le score autorise la délégation des décisions à un personnel beaucoup moins qualifié, et moins coûteux, que le personnel capable de mener à terme le processus traditionnel de décision. Les étapes administratives sont très raccourcies. C’est une forme de productivité.
b.La diminution des impayés :
Sur l’analyse statistique et objective des critères de risques, le crédit scoring se révèle, dans bien des cas, d’une efficacité supérieure au processus de décision traditionnel ; cela ne signifie pas que le crédit scoring soit plus efficace qu’un bon expert ; mais les bons spécialistes étant parfois relativement peu nombreux, ils ne peuvent participer à toutes les décisions ou y consacrer le temps nécessaire. Ainsi les décisions sont parfois prises trop vite ou par n personnel peu expérimenté et se révèlent globalement moins justes que les conclusions d’un crédit scoring.
b)Le contrôle et la prévision des impayés :
Chaque client accepté a été noté par le score ; la probabilité d’impayés ou de contentieux de chaque client est connue. En cumulant ces probabilités sur l’ensemble des encours, la masse totale des impayés ou des contentieux peut être estimée et, dans certains cas (si les fichiers de prêt de l’établissement le permettent), répartie dans le temps suivant un échéancier.
Ces prévisions permettent, d’une part de déterminer avec précision les provisions à effectuer et d’autre part de mesurer avec finesse les conséquences commerciales (diminution, augmentation du chiffre d’affaires) ou contentieuses (diminution ou augmentation des impayés) entraînées par une modification des seuils de sélection.
II.Limites de la méthode : Le score se conçoit comme un élément indiquant la probabilité de défaillance d’une entreprise vue de l’extérieur. De ce fait, un certain nombre d’informations qualitatives (telles que pertes de compétitivité, investissement mal choisi…) ne peuvent être intégrées car cela supposerait la connaissance par un analyste extérieur d’informations, en majorité d’origine interne.
La méthode des scores constitue un enrichissement de l’analyse traditionnelle par ratios, qui repose sur l’utilisation isolée de certains d’entre eux. Dans la méthode des scores, le problème du poids relatif à accorder à chaque ratio est résolu, car chaque ratio est pondéré en fonction de son pouvoir de discriminer les « mauvais » entreprises des « bonnes ».
Elle présente cependant un certain nombre de limites. Il existe déjà des limites qui tiennent à la construction statistique de la fonction score : l’échantillon de travail doit être suffisamment vaste, les données de base précises et homogènes ; pour éviter les biais statistiques, la période d’étude doit être suffisamment longue pour permettre de saisir l’évolution du comportement des entreprises et en mesurer les effets. 1.Problèmes d’échantillonnage :
La constitution de l’échantillon est une étape déterminante ; plus les informations de départ seront précises et homogènes afin de ne pas introduire de biais, plus les fonctions discriminantes seront performantes ; les principaux problèmes d’échantillonnage rencontrés ont trait au choix des entreprises à étudier, à leur taille et au suivi temporel de l’échantillon de départ.
a)catégories d’entreprises étudiées :
Les méthodes présentées concernant essentiellement des PME (effectif compris entre 10 et 500 salariés, n’ayant pas subi de restructuration afin d’éviter une rupture dans la présentation des documents comptables ; on impose en général comme condition supplémentaire que les entreprises étudiées soient soumises à l’impôt sur les sociétés, ce qui élimine les entreprises à caractère individuel (en général de petite taille). Ce choix n’est pas fortuit car ce sont les PME qui sont les plus soumises au risque de défaillance. Les unités de grande taille ont d’autres contraintes et font normalement l’objet d’un contrôle plus sévère (publicité et publications plus nombreuses, contrôle du conseil du marché financier (CMF) pour celles qui sont cotées.)
Disposer d’une fonction score valable pour des secteurs d’activité particuliers ou applicable à l’ensemble de l’économie est également un choix préalable important.
b)Période d’étude et taille de l’échantillon :
La période d’étude soit suffisamment longue pour permettre de saisir l’évolution du comportement des entreprises et d’en mesurer les effets. Indépendamment de la durée (5 à 7 ans) l’on est en droit de s’interroger sur la représentativité de ces périodes, car lors d’une telle période l’environnement économique et financier des firmes peuvent notablement évoluer. Techniquement, la méthode des scores, qui repose sur le pouvoir de séparation de la fonction discriminante, obéit à des règles statistiques assez strictes : les entreprises analysées ne pouvant être que dans un nombre de situations très limitées (bonnes, mauvaises) ; l’échantillon initial doit non seulement comporter un nombre total d’entreprises suffisant (représentativité du domaine couvert), mais aussi un nombre sensiblement égal d’entreprises saines ou défaillantes. Si la confection des sous échantillon des entreprises saines (normales) ne pose pas de problèmes rédhibitoires, car l’on peut retenir celles qui se sont maintenues en activité au cours de la période, et dont le profil moyen est représentatif de l’ensemble, il est par contre beaucoup plus délicat de construire un échantillon homogène d’entreprises défaillantes.
Le principe clé de l’échantillonnage a été de constituer d’abord le sous échantillon des entreprises défaillantes en partant de l’idée que, pour toute entreprise défaillante, l’analyste devait pouvoir disposer des données comptables relatives à l’année de défaillance et de celles des deux années antérieures.
A chaque entreprise défaillance et de celles des deux années antérieures. A chaque entreprise défaillante a été ensuite associée une entreprise saine en respectant trois critères fondamentaux (mêmes années d’observation, même secteur d’activité, même taille d’effectifs).
2.Choix des variables et établissement de la combinaison discriminante (fonction score) :
Si l’on n’y porte attention, des biais peuvent intervenir tant au stade du choix et des valeurs prises par les ratios qu’au stade du processus statistique de sélection.
a)Choix et valeurs des ratios :
Au départ le nombre de variables doit être relativement important (allant en général de 19 à 55 ratios) afin d’éviter une trop grande subjectivité dans l’analyse ; par contre, la combinaison finale ne comprend qu’un nombre réduit de ratios simples, hiérarchisés, et porteurs d’une quantité d’informations importantes.
Indépendamment du choix de ratios, il se peut que calcul s’avère délicat sinon impossible pour certaines entreprises (dénominateur du ratio nul, valeur excessive ou hors de limite interprétable). L’on est réduit à éliminer l’entreprise concernée de l’échantillon (ce qui diminue la qualité des résultats) ou à procéder à un « bornage » c'est-à-dire à définir les limites en deçà et au-delà desquelles le ratio est ramené à l’une des bornes ; ce principe doit être appliqué à toutes les entreprises étudiées et utilisé chaque fois que s’applique la méthode de score. En fait, la normalité est définie à partir de données moyennes et de moyennes de ratios, il convient d’être prudent sur l’interprétation des chiffres obtenus ; ces moyennes de ratios ne sont pas normatives car elles ne tiennent pas compte des modalités spécifiques de firmes : elles dégagent simplement une tendance.
b)processus statistique de sélection des ratios :
Le processus de détermination de la fonction la plus discriminante est porteur en lui-même d’un certain nombre de biais puisqu’il appartient à l’analyste d’opérer des choix aux différentes étapes (constitution de la batterie initiale de ratios, normalité de ratios, analyse du pouvoir discriminant de chaque ratio isolément ou globalement dans la fonction discriminante, choix de la fonction la plus discriminante, normalité ou probabilité de défaillance). 3. Limites liées au mode d’utilisation :
L’examen des conditions dans lesquelles se développe la méthode conduit donc à apporter certaines restrictions.
Il est indispensable de connaître les conditions d’élaboration de la fonction score que l’on envisage d’utiliser : toutes ayant leurs caractéristiques, l’application d’une fonction discriminante doit être limitée aux classes de taille et au type d’activité des entreprises correspondant à celles de l’échantillon d’origine. Il est important de s’assurer de la robustesse spatio-temporelle des combinaisons élaborées. Transposer une combinaison en dehors de sa période de référence revient à lui attribuer implicitement une certaine stabilité dans le temps : il faut alors admettre que la population d’entreprises qui a servi de référence a globalement des structures financières et des types de comportement stables dans le temps.
Ceci n’a rien d’évident à l’heure actuelle. Désinflation et variation importante à la baisse des taux d’intérêt fragilisent des combinaisons dans lesquelles les ratios de frais financiers jouent un rôle pondérateur déterminant.
Pour être tout à fait opérationnelles, de telles combinaisons doivent comporter des mises à jour permanentes, ce qui suppose de très lourds investissements (bases de données construites pour les différents types d’entreprises observées).
En pratique une fonction score peut être utilisée comme un outil interne d’auto appréciation par le chef d’entreprise ou comme un instrument de surveillance des tiers (externe).
a)utilisation interne :
Il s’agit dans ce cas de porter un jugement, de l’intérieur, sur la bonne ou mauvaise santé financière de l’entreprise en utilisant un instrument d’analyse plus synthétique que la traditionnelle méthode de ratios. Contrairement à l’opinion la plus répandue il peut s’avérer que cette utilisation n’apporte pas d’amélioration fondamentale. Les critiques généralement apportées qui concernent la prise en compte d’éléments extra comptables (évolution de l’environnement, stratégie, qualité de la gestion et des dirigeants) semblent en limiter la portée. Lorsque l’analyse peut s’opérer de l’intérieur, il paraît beaucoup plus intéressant de procéder à un véritable diagnostic de l’entreprise, fonction par fonction, en mettant l’accent sur les éléments clés de la réussite ou de l’échec qui ne sont pas seulement d’ordre comptable ou financier et que l’analyste peut appréhender puisque les éléments d’information lui sont accessibles. Outil révélateur de situation, la méthode des scores paraît mieux adaptée à l’analyse externe.
b)utilisation externe :
Si l’on assiste aujourd’hui à fort développement de l’utilisation des scores comme instrument de surveillance du risque client (ou de tout autre débiteur), ce n’est pas un hasard : banques, organismes financiers, fournisseurs ne disposent en général sur leur débiteur que d’informations limitées au strict minimum légal ; bilans, état de résultat constituent en pratique les éléments à partir desquels doit s’effectuer le jugement. La méthode des scores, par son aspect synthétique, représente par rapport aux méthodes traditionnelles d’analyse par ratios, un progrès important : sous réserve de limites évoquées précédemment, la méthode permet de positionner l’entreprise analysée par rapport à celles de son environnement (trajectoires temporelle, probabilité de défaillance). Le fait qu’elle ne requiert pas d’investissement important et que sa mise en œuvre soit simple et rapide ne peut que contribuer à sa généralisation.
Cet engouement peut même développer une sorte d’effet pervers : le but de la méthode étant de déterminer à l’avance (trois années en moyenne) la probabilité de défaillance, la connaissance à priori de ce risque peut induire de la part des tiers en relation avec l’entreprise des comportements accélérant le processus de dégradation (fournisseur qui refuse de vendre à crédit, banquier qui limite ses concours courants), ce qui diminue d’autant la marge de manœuvre du dirigeant. En ce sens, le score devient un élément de standing financier que le chef d’entreprise ne peut plus totalement ignorer.